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Considérations réglementaires : notions de travailleur (exposé) et d'expert qualifié en radioprotection
N° chrono : REG-AN-13_2
Auteur : KLOUG
Editeur : anne lise avril 2015
Rédacteur : KLAX / PAPILLON62
Résumé : Après une vive discussion entre les membres du jury du Master de radioprotection en septembre dernier à Grenoble, une analyse fine du docteur Jean-Baptiste FLEUTOT, inspecteur radioprotection au DSND, voici un petit exposé sur les vocables « travailleurs » utilisés dans le code du travail.
La langue française a, sans conteste, une grande richesse de vocabulaire. Pour éviter les répétitions, nous avons tous appris à varier les expressions que nous utilisons dans nos textes.
Les textes réglementaires n’échappent pas à la règle. Mais est-ce un effet de style ou est-ce une volonté délibérée ?
Nous avons donc identifié différents types de travailleurs et nous allons regarder ce que ça implique.
Prenons donc le texte de référence des PCR : le code du travail.
· Article R 4451-1
Les dispositions du présent titre s'appliquent, dans le respect des principes énoncés à l'article L. 1333-1 du code de la santé publique, dès lors que des travailleurs sont susceptibles d'être exposés à un risque dû aux rayonnements ionisants :
Cet article applique le code à tout travailleur susceptible d’être exposé à un risque.
De même l’article R. 4451-11
· Article R 4451-11
Dans le cadre de l'évaluation des risques, l'employeur, en collaboration, le cas échéant, avec le chef de l'entreprise extérieure ou le travailleur non salarié, procède à une analyse des postes de travail qui est renouvelée périodiquement et à l'occasion de toute modification des conditions pouvant affecter la santé et la sécurité des travailleurs.
Même chose pour l’article R. 4452-1
· Article R 4452-1
Après avoir procédé à une évaluation des risques et recueilli l'avis de la personne compétente en radioprotection mentionnée à l'article R. 4456-1, l'employeur détenteur, à quelque titre que ce soit, d'une source de rayonnements ionisants délimite, au vu des informations délivrées par le fournisseur de la source, autour de la source :
1° Une zone surveillée, dès lors que les travailleurs sont susceptibles de recevoir, dans les conditions normales de travail, une dose efficace dépassant 1 mSv par an ou bien une dose équivalente dépassant un dixième de l'une des limites fixées à l'article R. 4451-13 ;
2° Une zone contrôlée dès lors que les travailleurs sont susceptibles de recevoir, dans les conditions normales de travail, une dose efficace de 6 mSv par an ou bien une dose équivalente dépassant trois dixièmes de l'une des limites fixées à l'article R. 4451-13.
Donc le terme « travailleurs » s’entend, à ce niveau là, dans sa totale acception. Ce qui veut dire qu’un travailleur de catégorie A, un travailleur de catégorie B ou même un travailleur non exposé, peuvent accéder dans ces zones. A revoir avec l’article R. 4453-19 que nous allons illustrer ci-après.
Pas de variation pour l’article R. 4452-13
· Article R 4452-13
Afin de permettre l'évaluation de l'exposition externe et interne des travailleurs, l'employeur procède ou fait procéder à des contrôles techniques d'ambiance.
Et puis le chapitre III vient perturber la lecture
CHAPITRE III Condition d'emploi et de suivi des travailleurs exposés (3)
Alors que l’article R. 4453-1 parle toujours des travailleurs
· Article R 4453-1
En vue de déterminer les conditions dans lesquelles sont réalisées la surveillance radiologique et la surveillance médicale, les travailleurs susceptibles de recevoir, dans les conditions habituelles de travail, une dose efficace supérieure à 6 mSv par an ou une dose équivalente supérieure aux trois dixièmes des limites annuelles d'exposition fixées à l'article R. 4451-13, sont classés par l'employeur dans la catégorie A, après avis du médecin du travail.
Les travailleurs exposés aux rayonnements ionisants ne relevant pas de la catégorie A sont classés en catégorie B dès lors qu'ils sont soumis dans le cadre de leur activité professionnelle à une exposition à des rayonnements ionisants susceptible d'entraîner des doses supérieures à l'une des limites de dose fixées à l'article R. 1333-8 du code de la santé publique.
Cet article définit les travailleurs exposés aux rayonnements (il n’y a plus ni susceptible ni risque « au premier degré ») comme risquant de dépasser une limite publique. Là, c’est clair, ce sont les travailleurs catégorisés et le risque est chiffré (limite publique).
Ce qui voudrait pouvoir dire que si la personne en charge de l’analyse du poste de travail sur le plan du risque radiologique (la personne compétente en radioprotection ou le service compétent en radioprotection) a fait correctement son travail toute personne susceptible de recevoir une dose raisonnablement inférieure à 1 mSv pourrait être considérée comme travailleur non exposé. Nous entendons par raisonnablement une valeur de dose qui serait au niveau du tiers de la limite annuelle soit 0,3 mSv.
Or pour des raisons évidentes de surveillance de l’exposition et aussi de surveillance médicale, un bon nombre de travailleurs seront encore considérés comme des travailleurs exposés de catégorie B. Il y a encore dans le domaine médical, par exemple, beaucoup de travailleurs qui sont catégorie A alors que certains d’entre eux ont des relevés dosimétriques nuls du fait de valeurs mesurées inférieures au seuil de détection.
L’article R. 4453-4 vient compléter la série des travailleurs.
· Article R. 4453-4
Les travailleurs susceptibles d'intervenir en zone surveillée, en zone contrôlée ou sur les lieux de travail des établissements mentionnés au deuxième alinéa de l'article R. 4451-2 bénéficient d'une formation à la radioprotection organisée par l'employeur.
C’est encore un autre vocabulaire qui, s’il n’est pas défini de manière plus restrictive, impose cette formation à tout occasionnel… Il n’est en particulier pas explicitement question de catégorie.
Autre problème soulevé par cet article :
Imaginons un travailleur qui rentre de manière exceptionnelle en zone réglementée. Au regard de la suite de l’article la formation doit porter sur :
1° Les risques liés à l'exposition aux rayonnements ionisants ;
2° Les procédures générales de radioprotection mises en œuvre dans l'établissement ;
3° Les règles de prévention et de protection fixées par les dispositions du présent titre.
La formation est adaptée aux procédures particulières de radioprotection touchant au poste de travail occupé ainsi qu'aux règles de conduite à tenir en cas de situation anormale.
A aucun moment il n’est mentionné la durée de la formation du travailleur.
D’autre part, certaines entreprises obligent les travailleurs susceptibles d'intervenir en zone surveillée, en zone contrôlée d’être classé en catégorie A ou B. Ce n’est pas expressément écrit dans le code. C’est une décision relevant de l’entreprise en matière de réglementation interne.
Mais dans le chapitre on retrouve de nouveau le travailleur sans autre précision
· Article R. 4453-14
L'employeur établit pour chaque travailleur une fiche d'exposition comprenant les informations suivantes
Enfin une nouvelle catégorie apparaît
· Article R. 4453-19
Chaque travailleur appelé à exécuter une opération en zone surveillée, en zone contrôlée ou sur les lieux de travail des établissements mentionnés au deuxième alinéa de l'article R. 4451-2 fait l'objet d'un suivi dosimétrique adapté au mode d'exposition :
L’article impose une dosimétrie adaptée au type de rayonnement et à la zone à tout travailleur appelé à exécuter une opération en zone réglementée. Le travailleur est défini d’une autre façon, mais l’opération en question n’est pas définie. Est-ce qu’il s’agit d’un travail lié directement à son activité professionnelle ?
Dans l’article R. 4452-1 les travailleurs étaient susceptibles de recevoir des doses en entrant dans les zones réglementées. Dans cet article lié au chapitre III, il n’y aurait plus que les travailleurs exposés ?
Pour répondre à toutes ces questions il a bien fallu prendre des dispositions concernant les visiteurs, les personnes entrant de manière très exceptionnelle en zone réglementée, en plus des travailleurs exposés ou non.
Il y a de nombreux « travailleurs » dans le code du travail mais ils sont définis de manière différente et il n’est pas évident de savoir à quel type de travailleur la PCR est confrontée.
Il semblerait bien nécessaire de définir une bonne fois les différents termes pour que les acteurs de la radioprotection puissent s’y retrouver.
Dix ans après un article de M.-C. BOEHLER dans la revue de la SFRP
(Radioprotection 1998 - Vol. 33, no 3, pages 271 à 280 - Réflexions juridiques sur la notion d’expert qualifié en radioprotection : définition et responsabilités).
Comment est défini l’expert qualifié en Radioprotection ? Y a-t-il eu une évolution de sa définition ?
Pour reprendre une partie du résumé de l’article cité précédemment
La notion d’expert qualifié en radioprotection existe en droit européen depuis la première Directive EURATOM du 20 février 1959 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants.
On retrouve cette notion dans toutes les versions successives de ces normes de base, et en particulier dans la dernière Directive EURATOM du 13 mai 1996. D’ici l’an 2000, date d’expiration du délai accordé par l’union européenne pour transposer cette Directive dans les législations nationales, la France devrait normalement intégrer ce pilier du système de radioprotection dans sa réglementation révisée sous la dénomination depuis longtemps usitée de personne compétente en Radioprotection.
Et voila le vocable qui donne lieu à polémique : PCR
Après quelques recherches sur internet pour comparer le système français avec ce qui se fait dans d’autres pays européens il semble évident que l’expert qualifié en radioprotection est loin de la personne compétente en radioprotection française.
Dans la plupart des pays européens, l’expert qualifié suit une formation initiale de longue durée (pour certains pays, c’est inclus dans un cursus universitaire).
A titre d’exemple, voila ce que mentionne l’autorité de sûreté suédoise :
“Generally, the Swedish Radiation Protection Institute presupposes that an expert has a university degree, or equivalent, with focus on physics, technology (Master of Engineering), chemistry or biology and in addition an appropriate course on radio physics according to clause 2.1 below and, if applicable, further clauses.”
Généralement, l'institut suédois de radioprotection pré-suppose qu'un expert a un degré d'université, ou équivalent, avec un master sur la physique, la technologie, la chimie ou la biologie et, en outre, un cours sur la radio physique conformément à la clause 2.1, le cas échéant, de nouvelles clauses.
La France commence à s’aligner sur ces pays.
L’INSTN a engagé une réflexion au niveau européen avec en particulier les britanniques et les tchèques, sur cette notion d’expert qualifié. Si on fait le cumul des heures de formation pour prétendre à obtenir ce niveau, cela correspond à 255 heures soit 8 semaines et demie
Mais nos institutions savent ce qui se fait dans les pays voisins. Pour preuve :
L’arrêté du 26 octobre 2005 sur la formation de la personne compétente en radioprotection.
Article 11
I. - La personne qui justifie d’au moins un an d’exercice dans la fonction de personne compétente en radioprotection et d’une formation en radioprotection d’au moins 250 heures, datant de moins de cinq ans, est dispensée de la formation mentionnée à l’article 3 et est réputée satisfaire aux exigences du contrôle de connaissances prévu à l’article 4. L’attestation de formation prévue à l’article 5 lui est délivrée par un formateur certifié après vérification par celui-ci de la conformité aux conditions énoncées.
On voit apparaitre les 250 heures de formations qui existent dans d’autres pays.
Voila nos 255 heures de formation qui reviennent. Entre parenthèses, il faudra m’expliquer comment un diplômé en radioprotection (Ex : BTS ou MASTER) de moins de 5 ans peut obtenir son attestation de formation auprès d’un formateur certifié puisqu’il faut la conformité aux exigences indiquées avant qui sont en particulier avoir un an d’exercice au moins dans la fonction. Or on ne peut être désigné à cette fonction qu’après avoir eu cette attestation…. Le chien se mord la queue, non ? Note d’anne lise : ne parle-t-on pas là du renouvellement de la formation ?
Continuons avec le paragraphe 4.
IV. - La personne reconnue comme expert qualifié, au sens de l’article 1er de la directive 96/29/EURATOM du Conseil en date du 13 mai 1996 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants, par l’autorité compétente d’un autre Etat membre de l’Union européenne, peut être désignée personne compétente en radioprotection dans les conditions prévues à l’article R. 231-106 du code du travail si sa maîtrise de la langue française lui permet d’exercer pleinement les missions de la personne compétente en radioprotection.
Il n’y a aucun doute sur la question puisque en regardant les contenus et les temps impartis à la formation dans les différents pays européens, ils sont au-delà des exigences françaises.
En reprenant la communication 98/c133/03 explicitant la directive 96/29 , on trouve dans l’annexe des éléments concernant la formation et l’expérience des experts qualifiés. Il n’y a pas de valeur sur les temps de formation. Pour cela c’est plutôt du côté de l’AIEA doit probablement fournie ces informations de manière plus précise.
L’organisation internationale du travail a mis à jour en novembre 2008 un document définissant la classification des métiers. On y trouve la définition de l’expert qualifié en radioprotection (en accord avec l’IRPA car cette définition est publiée sur le site IRPA…) Cette définition englobe l’expert qualifié dans un contexte plus large celui de « l’hygiène industrielle et de l’environnement » .
Vous trouverez ici le lien : http://www.ilo.org/public/english/bureau/stat/isco/docs/health.pdf
Voici le contenu en anglais de cette fiche :
ISCO 08 Code
2263
Title EN
Environmental and occupational health and hygiene professionals
Lead Statement
Environmental and occupational health and hygiene professionals evaluate work and other environments and develop and implement programs to monitor environmental health and occupational health and safety, to ensure safe and healthy working conditions, and prevent disease or injury caused by chemical, physical, radiological and biological agents or ergonomic factors.
Task statement
Tasks include:
(a) developing, implementing and reviewing programs and policies to promote environmental health and occupational health and safety;
(b) preparing and implementing plans and strategies for the safe, economic and suitable disposal of commercial, industrial, medical and household wastes;
(c) implementing prevention programs and strategies for communicable diseases, food safety, waste water treatment and disposal systems, recreation and domestic water quality, contaminated and hazardous substances;
(d) identifying hazards, and assessing and controlling risks in the environment and workplace and advising on compliance with relevant law and regulations;
(e) developing, implementing and monitoring programs to minimize workplace and environmental pollution involving chemical, physical and biological hazards;
(f) prescribing methods to prevent, eliminate, control, or reduce the exposure of workers, patients, the public and/or the environment to radiological and other hazards;
(g) promoting ergonomic principles within the workplace such as matching furniture, equipment and work activities to the needs of employees;
(h) providing education, information, training, and advice to persons at all levels on aspects of occupational hygiene and environmental health;
(i) recording and investigating injuries and equipment damage, and reporting safety performance;
(j) coordinating arrangements for the compensation, rehabilitation and return to work of injured workers.
Included occupations
Examples of the occupations classified here:
- Environmental Health Officer
- Occupational Health and Safety Adviser
- Occupational Hygienist
- Radiation Protection Expert
Cela recouvre certes une partie des activités de la PCR, mais il n’est pas possible d’en déduire si le niveau est le même ou non.
On peut donc dire au travers des différents exemples que PCR et expert qualifié en radioprotection ne correspondent pas au même niveau de formation.
Une information plus précise est à faire de la part des pouvoirs publics car ce sont souvent les exploitants eux-mêmes qui indiquent les obligations réglementaires à ces entreprises. Il est en effet difficile pour les PCR et les services de Radioprotection de bien comprendre les textes de loi qui peuvent être sujet à différentes interprétations.
Concernant les évolutions, de la loi, il est possible que la présence de PCR devienne obligatoire au niveau des chantiers gérés par des entreprises extérieures. Or, il serait peut-être plus judicieux de confier cette mission à des experts qualifiés en radioprotection intervenant pour le compte de l'entreprise extérieure, étant donnée la spécificité technique parfois très importante de certains chantiers
D'autre part, il est aujourd'hui obligatoire pour les PCR des INB ICPE de suivre la formation
PCR médical pour pouvoir s'occuper de la radioprotection du générateur X du service de santé au travail (d'après la loi). Cependant, n'est-ce pas, la plupart du temps, redondant avec la formation qu'ils ont eue au cours de leurs études pour devenir PCR en INB ICPE ?
Aujourd'hui, en France, les experts qualifiés en radioprotection et les PCR forment une même catégorie, contrairement à de nombreux pays européens, comme la directive 96/29 le décrit. Cependant, on peut noter que les experts qualifiés, dans des pays voisins comme la Suède ou la Lituanie, doivent suivre une formation d'au moins 250 heures. En France, les Masters en radioprotection sont au moins aussi qualifiants que ces formations étrangères, mais n'ont pas cette « reconnaissance » d' »expert qualifié en radioprotection ». Ces formations mènent au même statut que les formations PCR de 2 semaines, alors que ces deux formations sont très différentes